Cyber, IA, Blockchain : Bilan du premier semestre et agenda stratégique de la rentrée
Introduction
Ces premiers mois de publication ont coïncidé avec une phase de matérialisation des cadres juridiques technologiques. Cette rétrospective n'est pas un archivage, mais une distillation stratégique. L'objectif est d'extraire des analyses du printemps et de l'été 2025 les leçons durables et les dynamiques de fond qui structureront les décisions de la rentrée, en passant du principe à la preuve de conformité.
Légende des indicateurs d'impact durable : 🔴 Enjeu permanent, toujours d'action immédiate ; 🟠 Enjeu intégré, à suivre dans les plans ; 🔵 Leçon apprise, en veille active.
🔍 Les analyses de début 2025
🔴 Articulation RGPD-Blockchain : la doctrine de l'EDPB comme socle de conformité
L'adoption par l'EDPB de ses lignes directrices sur la blockchain en avril 2025 a mis fin à une longue période d'incertitude juridique. L'analyse de l'époque soulignait un changement de paradigme : la question n'était plus de savoir si les technologies de registres distribués (DLT) étaient compatibles avec le RGPD, mais comment assurer cette compatibilité. Aujourd'hui, cette doctrine est le fondement de toute revue d'architecture DLT. Elle a déplacé le débat du terrain juridique vers le terrain technique, imposant des contraintes de conception dès la genèse des projets. L'identification d'un responsable de traitement dans un réseau décentralisé ou la mise en œuvre du Privacy by Design via des solutions hybrides (données hors-chaîne, empreintes sur la chaîne) sont devenues des points de passage obligés pour tout audit. Cette clarification a créé un standard de fait pour le marché européen, catalysant une nouvelle offre de conseil spécialisé dans la validation de la conformité architecturale des projets blockchain. L'enjeu demeure permanent, car chaque nouveau projet doit satisfaire à ces exigences.
(Extrait de la newsletter :(https://substack.com/home/post/p-161691803))
🟠 La Blockchain comme preuve : la consécration judiciaire et ses implications pour la PI
La décision du tribunal de Marseille en mars 2025, reconnaissant la blockchain comme preuve de titularité de droits d'auteur, a offert une validation judiciaire concrète à une capacité technique jusqu'alors théorique. Cette jurisprudence a légitimé l'usage de la technologie pour la gestion de la preuve, notamment pour l'antériorité des créations ou la protection des secrets d'affaires. La leçon stratégique est que les départements juridiques disposent d'un outil crédible pour renforcer leurs stratégies de protection de la propriété intellectuelle non enregistrée. Toutefois, cette opportunité, apparue la même année que les contraintes de l'EDPB, crée une tension productive. L'utilisation d'une blockchain pour ses vertus probatoires doit être méticuleusement articulée avec les obligations du RGPD. La tendance de fond est à l'émergence d'une "hygiène probatoire" : l'ancrage systématique des actifs immatériels devient une procédure standard, nécessitant des solutions qui garantissent à la fois la force de la preuve et la protection des données.
(Extrait de la newsletter :(https://substack.com/home/post/p-161631240))
🔴 Convergence réglementaire transatlantique : l'audit de l'IA comme norme de gouvernance
L'analyse de juillet sur la convergence réglementaire a mis en lumière une trajectoire commune entre l'Union européenne et la Californie concernant la surveillance des technologies critiques. Les dynamiques de l'AI Act en Europe et les nouvelles exigences en Californie signalaient l'avènement de l'audit obligatoire pour les systèmes d'IA à haut risque. Cette tendance, loin de s'essouffler, s'est imposée comme une norme de gouvernance. Elle acte le transfert de la responsabilité du risque technologique de la DSI vers le comité de direction. La leçon durable est que la gestion de la conformité technologique ne peut plus s'opérer en silos juridictionnels. Un cadre de gouvernance unifié est la seule approche viable. Cet "effet Bruxelles-Californie" établit un standard mondial de fait, obligeant les acteurs internationaux à concevoir leurs systèmes pour le plus haut niveau d'exigence. Ce mouvement a également amorcé la professionnalisation d'un nouveau rôle : l'auditeur IA, un profil hybride au carrefour de la technique, du droit et de l'éthique.
(Extrait de la newsletter :(https://benoitbellaiche.substack.com/p/convergence-reglementaire-de-la-californie))
🟠 Le ciblage sectoriel des régulateurs : la doctrine de la CNIL comme cas d'école
La séance plénière de la CNIL en avril, avec un focus sur un projet d'entrepôt de données de santé et la transparence politique, a été un signal précoce d'une nouvelle posture des autorités de contrôle. Après des années consacrées à l'établissement des principes généraux du RGPD, les régulateurs ont entamé une phase d'application verticale, en se concentrant sur les secteurs à fort enjeu sociétal. Cette approche a été confirmée depuis par d'autres autorités en Europe. La leçon pour les DPO et les directions juridiques est qu'un programme de conformité générique est désormais insuffisant. L'allocation des ressources et l'évaluation des risques doivent être dynamiquement ajustées en fonction des priorités d'action des régulateurs nationaux. L'analyse des thématiques d'une autorité comme la CNIL n'est plus seulement un exercice de conformité locale ; elle devient un indicateur avancé des futures actions coordonnées au niveau de l'EDPB, permettant d'anticiper les prochaines vagues de contrôle à l'échelle de l'Union.
(Extrait de la newsletter :(https://substack.com/home/post/p-161631240))
🔭 Perspectives pour la rentrée 2025
Les tendances observées depuis avril – formalisation de la gouvernance et application ciblée – constituent le prologue des chantiers de la rentrée. L'attention se portera sur l'anticipation des régimes de responsabilité de l'AI Act et sur la préparation à la mise en conformité avec le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) dans le secteur financier. Ces textes exigeront dès les prochains mois le même niveau de préparation et d'implication des organes de direction que celui observé pour l'IA et la blockchain.
🎯 Conclusion
En rétrospective, ce premier semestre 2025 fut le moment où la gouvernance des technologies numériques a quitté la sphère des principes pour s'ancrer dans celle des obligations auditables, redéfinissant les responsabilités au plus haut niveau des organisations.
Bonne fin de vacances à tous. Au plaisir de décrypter ensemble une rentrée qui s'annonce passionnante.

